Nous n'avons pas la
prétention de raconter la guerre d'Indochine, d'autres l'ont fait bien
mieux avant nous (voir sources historiques et liens). Nous allons juste essayer
de replacer les lieux visités dans leur contexte historique de l'époque.
Comme le montre cette
carte écossaise de 1886, le Vietnam n'existe pas encore à cette
époque en tant que tel. Son territoire est divisé en trois parties,
les trois Ky : le Tonkin (Bac Ky) au nord, l'Annam (Trung Ky) au centre et la
Cochinchine (Nam Ky) au sud. Quelques tribus indépendantes, c'est-à-dire
insoumises, contrôlent le nord et l'ouest. Les futurs états du
Laos et de la Thaïlande sont regroupés dans le royaume du Siam.
la colonisation de l'Indochine
commence sous Napoléon III, en 1858, par une expédition franco-espagnole
qui s'empare de Saïgon.
après la guerre franco-chinoise
de 1884-1885, la France constitue en 1887 ce qui deviendra le protectorat
d'Indochine française : l'Annam, le Tonkin, la Cochinchine et la république
Khmère (Cambodge). En 1893, le Laos est ajouté. La France maintient
une série d'empereurs de façade, dont le dernier sera Bao Daï,
mais le vrai pouvoir sera exercé par un fonctionnaire français,
le gouverneur général d'Indochine.
dès 1930, une première
révolte éclate : l'insurrection de tirailleurs annamites à
Yen Baï. Ho Chi Minh, alors exilé en Chine, fonde le parti communiste
vietnamien, qui deviendra le parti communiste indochinois après la
conférence de Hong Kong en février.
en 1940, suite à la débâcle
française en Europe, les troupes japonaises envahissent l'Indochine.
Le gouverneur français continue d'administrer le pays mais doit accepter
leur stationnement. Les japonais poussent les mouvements nationalistes vietnamiens
à se libérer de la domination française. Le 19 mai 1941,
Ho Chi Minh fonde le Viet Minh (ligue pour l'indépendance du Vietnam)
dans la grotte de Pac Bo, en compagnie de Vo Nguyen Giap (futur général
en chef), Le Duan (théoricien communiste) et Pham Van Dong (futur premier
ministre).
en mars 1945, les troupes japonaises
anéantissent la presque totalité des garnisons françaises.
Après la capitulation japonaise, le 16 août, le congrès
Viet Minh déclare l'insurrection générale. Ho Chi Minh
proclame l'indépendance du Vietnam le 19 août, sur la place
Ba Dinh à Hanoï, et force l'empereur Bao Daï à
l'abdication.
Ho
Chi Minh
Le
général Giap, en 1950 et aujourd'hui (92 ans) : le 7 mai
2004, il a prononcé un discours fleuve pour le 50° anniversaire
de Dien Bien Phu, et a supervisé personnellement sa traduction
en français
L'empereur
Bao Daï
en 1946, les
négociations entre Ho Chi Minh et Jean Sainteny, commissaire de
la République Française, aboutissent à un accord
: le Vietnam serait considéré comme un état libre
(et non pas indépendant) au sein de l'union française et
de la fédération indochinoise, avec le Laos et la Cambodge
qui ont déjà le même statut. Les troupes françaises
reviennent à HanoÏ sous le commandement du général
Leclerc. Mais la proclamation unilatérale de la création
de la république autonome de Cochinchine, par l'amiral Thierry
d'Argenlieu, provoque l'échec de la conférence de Fontainebleau
à laquelle Ho Chi Minh participait en juillet. Le 20 novembre se
produit le fameux "incident de Haï Phong" : une jonque
chargée d'essence de contrebande est arraisonnée par les
douaniers français. L'équipage de la jonque ouvre le feu,
les douaniers ripostent, ce qui provoquera de violentes émeutes
et répressions durant une semaine. Le 19 décembre, Ho Chi
Minh, poussé par le général Giap, appelle à
la résistance nationale, ce qui marquera le début de près
de huit années d'hostilités.
L'arrivée
des troupes françaises de Leclerc à Hanoï
Jean
Sainteny et Ho Chi Minh à Paris
1947 : Début
de la guerre d'Indochine
de 1947 à
1949, l'armée française va connaître la "vie
de poste" et procèdera à diverses opérations
de "nettoyage" contre la guérilla Viet Minh. Des fortins
et combattants français sont régulièrement attaqués
par des opérations de commandos, l'armée Viet Minh n'étant
pas encore assez puissante pour entreprendre des actions d'envergure.
Plusieurs opérations aéroportées sont organisées
: de juillet 1947 à janvier 1948 par exemple, l'opération
"Léa" aura pour objectifs la destruction des forces régulières
du général Giap et la capture des personnalités Viet
Minh réfugiées en haute et moyenne région (Tuyen
Quang, Bac Kan et lac Ba Bé, Lang Son et Cao Bang)
Patrouille
dans le delta
Un
poste de la légion
1949 : Attaques
des convois français de ravitaillement sur la RC4
en 1949, la victoire
des communistes de Mao Tsé Toung en Chine procure refuge et assistance
aux troupes Viet Minh basées le long de la frontière Est.
La route coloniale 4 est presque parallèle à cette
frontière, de Tien Yen au sud à Cao Bang au nord (voir itinéraire).
Cette route est jalonnée, sur près de 120 kilomètres,
de nombreux fortins français : à Lang Son, aux cols
de Lung Vaï et Lung Phaï, à Dong Khé et Cao
Bang... La présence de ces postes isolés, et la nécessité
de les ravitailler par de longs convois empruntant la RC4, va donner de
nombreuses occasions d'assauts et d'embuscades aux combattants Viet Minh,
retranchés dans l'épaisse forêt tropicale et les pics
calcaires bordant la route.
Convoi
sur la RC4
Groupe
de combattants Viet Minh
1950 : Prise du
poste de Dong Khé, évacuation de Cao Bang et combats sur la
RC4
en septembre 1950,
le commandement français décide donc l'évacuation de
la garnison de Cao Bang, commandée par le colonel Charton.
L'état-major Viet Minh décide de mettre à profit cette
opération pour tendre une embuscade à l'armée française.
Le 18 septembre, le poste de Dong Khé tombe après une
résistance héroïque des 300 légionnaires français
qui assuraient sa défense. Le 1er octobre, le colonel Charton évacue
Cao Bang avec une colonne de 2 700 hommes, accompagnés de 600 civils,
en direction du sud. Le même jour, une deuxième colonne forte
de 3 500 hommes, commandée par le colonel Le Page, quitte That Khé
vers le nord, avec ordre de reprendre Dong Khé et de porter assistance
à la colonne Charton. Le général Giap lance alors 6
régiments (plus de 30 000 "bo doï") pour refermer
son piège sur les deux colonnes. L'attaque sur Dong Khé échoue
et les deux colonnes harcelées jour et nuit vont se retrouver encerclées
dans la cuvette de Coc Xa. Après plusieurs jours de combats acharnés
et la capture des colonels Charton et Le Page, la retraite par petits groupes
est décidée vers That Khé. Seuls 450 hommes et 12 officiers
l'atteindront. La RC4 justifie alors pleinement son surnom de "route
de la mort". Le bilan est très lourd et provoque un véritable
choc dans l'opinion publique et dans les troupes. En décembre, le
général De Lattre de Tassigny est nommé haut commissaire
pour rétablir la situation militaire.
Le
poste de Dong Khé
Les
falaises au-dessus de la cuvette de Coc Xa
en 1951, le
"Roi Jean" (surnom affectueux donné par la troupe à
De Lattre) obtient le renforcement de l'aide américaine et remporte
de nombreux succès dans le delta du Tonkin, où parachutistes
et blindés français peuvent montrer toute leur efficacité.
De Lattre parvient également à créer une armée
nationale vietnamienne. Mais la mort de son fils unique Bernard, tué
au poste de Ninh-Binh, l'éprouve considérablement et c'est
gravement malade qu'il rentrera en France, où il décèdera
début 1952. Son adjoint le général Salan le remplace
en avril et poursuit son action.
Blindés
dans les rizières
Combattants
vietnamiens ralliés aux français
en 1953, le Viet
Minh lance une offensive à partir du nord Laos. Le général
Navarre, successeur de Salan, décide d'implanter en octobre un camp
retranché dans la cuvette de Dien Bien Phu, à l'extrême
ouest, à moins de 30 kilomètres de la frontière laotienne.
Ce sera l'opération "Castor". Cette stratégie, contestée
par de nombreux militaires français, visait à éloigner
l'armée Viet Minh de ses bases de repli et à contrôler
la production d'opium, principale source de revenus des nationalistes.
Les
parachutistes, premiers arrivés à Dien Bien Phu
Après
remise en état de la piste d'atterrissage, les dakotas commencent
leurs rotations pour transporter hommes et matériel
1954 : La bataille
de Dien Bien Phu
à partir
du 13 mars 1954, le général Giap lance une offensive d'envergure
contre Dien Bien Phu, avec plus de 35 000 combattants et 75 000 coolies
(porteurs), ainsi qu'une importante artillerie lourde, fournie par russes
et chinois, qui tirera 250 000 obus durant l'attaque. Le plan initial des
stratèges chinois qui épaulaient le Viet Minh prévoyait
une attaque éclair de 2 jours et 3 nuits. Mais devant la résistance
acharnée des positions françaises et les renforts parachutés
sur la cuvette (l'effectif total des troupes françaises engagées
atteindra 15 700 hommes), le siège va durer plus de 53 jours. Le
28 mars, le camp retranché est entièrement encerclé.
Le 7 mai, le poste de commandement du colonel De Castries tombe et les troupes
françaises capitulent. Plus de 10 000 soldats français sont
emmenés en captivité dans des camps dans le nord, où
on estime que plus de 60% succomberont aux mauvais traitements avant leur
libération quelques mois plus tard.
Les tranchées
Viet Minh
Encerclement
progressif des positions françaises
La
prise du poste de commandement GONO le 7 mai
dès le
8 mai 1954, la conférence de Genève sur l'Indochine s'ouvre.
Sous l'impulsion de Pierre Mendès-France, président du conseil,
un accord de paix interviendra le 21 juillet, qui prévoit le retrait
des troupes françaises, qui sera effectif en août 1956.
L'accord de Genève
prévoit également
la division provisoire du Viet Nam en deux zones séparées
par le 17° parrallèle (un peu au nord de Hué et Quang
Tri) : la République Démocratique du Nord-Vietnam (capitale
Hanoï) sera contrôlée par le Viet Minh avec Ho Chi Minh
comme président, la République du Sud-Vietnam (capitale Saïgon)
sera dirigée par un gouvernement anti-communiste présidé
par Ngo Dinh Diem. La réunification est prévue pour 1956,
avec l'organisation d'élections, qui n'auront finalement jamais lieu.
L'opposition communiste (Viet Cong) au gouvernement Ngo Dinh Diem provoquera
une première série des troubles. Le sacrifice par le feu de
bonzes (le catholique Ngo Dinh Diem avait interdit le bouddhisme) accentuera
l'agitation, ce qui provoquera finalement l'intervention des Etats Unis,
d'abord par l'envoi de conseillers, puis de troupes de plus en plus nombreuses
à partir de 1961. La "guerre du Vietnam" débutera
alors, jusqu'au retrait des troupes américaines à partir de
1973, et la victoire définitive du Viet Minh lors de la prise de
Saïgon, le 30 avril 1975.
La
conférence de Genève
Prise
de Saïgon : les blindés Viet Minh défoncent les grilles
du palais présidentiel